jeudi 24 novembre 2011

Redevable, moi ?!

Alors que l'écrivain du dimanche peut avoir le syndrome de la page blanche, le téléspectateur (noté "Lambda") du jeudi est systématiquement foudroyé par une drôle de pathologie : le syndrome de la grille gerbante (noté "SGG", mais ça ne servira à rien pour la suite !). En effet, Lambda voulant se détendre après sa journée à la mine - où il travaille plus pour suffoquer plus -, il décide de se vomir dans son sofa Ikéa afin de profiter de son divertissement accessible non-stop : la télévision ! 

Comme tout bon parigot scrutant l'Officiel Des Spectacles avant d'aller s'embourgeoiser devant une version chinoise de Tchekhov, Lambda se lance dans une étude comparative des programmes cathodiques à l'aide de son magazine préféré où pour un euro il peut aussi bien avoir une connaissance superficielle des faits et gestes de la dernière i-conne à la mode que découvrir la recette du thon à l'allemande, aussi appelée "Merkelthunfisch". Et là, stupeur, tremblement et vision de Nothomb : quatre films déjà vus pour cause de rediffusionite aigu, deux télé-réalités où la somme des QI des participants ne dépasse pas la moyenne de leurs âges, cinq séries policières aux intrigues capillotractées, trois magazines d'investigations anxiogènes sur les problèmes en région parisienne, une telenovelas mexicaine mal doublée, des infos déprimantes en boucle et un dessin animé à traumatiser tchoupi !!!

Se pose alors le problème suivant. Lambda doit-il :
1) se résigner à mettre une chaîne au hasard pour avoir sa dose d'image quotidienne et mixer encore un peu plus sa matière grise d'homme lobotomisé du 21ème siècle ?
2) se mettre devant son ordinateur et taper "chute de mémé" sur Youtube (2900 résultats) afin de rire un bon coup et combler sa frustration d'Eudipe inversé ?
3) en profiter pour faire du tri dans les papiers asphyxiants ses étagères ?

Ce jeudi-là, en bon Lambda que je suis et ayant déjà eu ma dose de crème anti-ride renversée sur les trottoirs à cause du verglas, j'ai choisi la troisième solution, bien décidé à justifier ces envois spasmodiques de courriers dont nous abreuvent les banques, assurances et autres bûcherons par procuration. En terme de touillage de couteau dans la plaie béante de ma bonne volonté, je fus servi...

Sur une de mes feuilles d'impôts, juste en dessous de la taxe d'habitation, je découvre le décompte, déconfit : 123 euros de redevance audiovisuelle. Je m'arme de ma calculatrice préférée pour découvrir qu'en 60 ans de redevance, j'aurai payé 7380 euros pour, je cite Larousse, "un droit de propriété intellectuelle", l'équivalent de 1054 livres de poche, c'est à dire environ 5 étagères Billy laquées blanches bien remplies ! Dès lors, ma croisade fut lancée : ne plus payer cette taxe sur l'abêtissement de masse !!! 

Pourquoi payer alors que je ne consomme pas ?! J'ai l'impression que toute la France a été manger au resto et que quelqu'un a décrété "on partage" sans me demander mon avis... Mais je veux faire le détail, moi ?! Ce fameux dimanche soir où je suis allé au lit pour copuler tranquillement alors que mon voisin était en pleine Grande Vadrouille ?! Et ce samedi midi où je suis resté bloqué sur la nationale pour cause de travaux, loupant mon émission animalière préférée alors que ma nièce s'enfilait trois épisodes de La Petite Maison dans la Prairie ?! Personne n'a voulu partager mes derniers impôts sur le revenu, alors je ne veux rien débourser pour Michel Drucker !!!

Ni une, ni deux, ni même trois, c'est vous dire ma réactivité, j'ai débranché l'antenne de ma télévision, me condamnant à la liberté suprême de ne plus regarder que mes DVD. Ce fut l'Acte de rébellion de ma journée si on ne compte pas mon non-remplacement du papier toilette triple épaisseur dans mes WC. Il ne restait plus qu'à avertir les pouvoirs publiques (au sujet de la TV, pas du PQ, OK ?!).

J'ai donc appelé mon centre des impôts pour leur apprendre la nouvelle, tombant sur un employé aussi dubitatif que j'étais enthousiaste. S'en suivit une discussion passionnante sur le Tuner de mon appareil et donc sur la possibilité de pouvoir recevoir un signal qui m'obligeait à payer la redevance, un peu comme si je devais m'acquitter d'un PV pour mauvais stationnement car j'avais la possibilité de me garer devant ce beau panneau bleu et rouge sous-titré, pour les ignares décodés, d'un "interdit de stationner" pourtant clair. Il fallait donc que je me débarrasse de ma TV 16/9ème indispensable à la lecture des sous-titrages pour me contenter de mon écran d'ordinateur capable, j'en suis sûr, de me décoller la rétine en peu de temps ! Impossible !!! Après tout, personne ne peut m'accuser de regarder la TV sans preuve !! Je peux avoir un couteau chez moi sans avoir poignardé ma voisine, non ?!

Ainsi, j'ai vécu de la sorte, m'astreignant à ne jamais rebrancher mon antenne, n'étant plus du tout au courant des bêtises inutiles à la mode, incapable de dire si Julien Lepers présentait toujours QPUC... jusqu'au jour où j'ai été contrôlé, la seule présence de mon poste me valant 150 euros d'amende, sans même pouvoir justifier que je ne savais plus où en était Loana !! 

Ainsi, j'ai pu payer 27 euros le droit de ne pas regarder ma télévision : n'est-ce pas un luxe ?!

mercredi 23 novembre 2011

Symbole du handicape


Qui n’a jamais rêvé de se garer devant un hypermarché ? Quand je dis « devant », je ne parle pas d’une place quelconque, mais de celle qui est si convoitée par l’automobiliste spécialiste du manège sur parking, hésitant mille fois entre la place à l’ombre et celle à côté des caddies. Je vous parle ici du Saint Graal des places, celle qui vous permet d’éviter de porter vos gros achats sur trente mètres ou de pousser votre chariot asymétrique des roues qui vous fait divaguer à l’opposé de votre allée, vous obligeant à utiliser toute votre force ou à pousser ce maudit engin sur son flanc gauche : pathétique image du consommateur perdant sa dignité face à un adversaire technologique plus fort que lui et une pente tueuse. Oui, ces fameuses places le plus souvent vides dédiées à nos amis les handicapés.

Pour ma part, je n’ai pas d’ami handicapé, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, mon appartement n’est pas adapté, alors comment invité un camarade à roulette ? Impossible donc d’entretenir une relation amicale digne de ce nom quand on ne peut recevoir. Deuxièmement, j’ai toujours eu peur des locodéficients, et cela depuis tout petit. Sans doute les restes d’une éducation aseptisée et bourgeoise ne me faisant côtoyer que de sympathiques personnes cravatées, chemisées et pouvant se déplacer sans roues, mis à part au volant de leur Mercedes. Je n’ai pas honte de le dire, le t-shirté incapable de se lever de son siège pour saluer me choque. Bon, je sais bien qu’il n’a pas le choix, qu’il a sans doute une bonne raison pour finir sa vie dans un fauteuil, les fesses bien calées, le dos bien droit, et travaillant chaque jour les muscles de ses bras alors que je n’ai moi-même pas le temps d’aller à la salle de sport. D’autres ont aussi d’excellentes excuses pour n’avoir qu’à pousser une simple manette afin de faire avancer leur carrosse robotisé à mort, ne leur ayant même pas coûté un bras, la vie ayant apparemment été injuste avec eux. Au passage, mon petit neveu de 13 ans utilise aussi une manette à longueur de journée, mais il ne fait pas l’aumône pour qu’on aille lui chercher un soda dans le frigo !

Troisièmement, je n’aurai jamais d’ami handicapé après cette chronique, mais j’avoue que cela m’arrange totalement si tel est le cas. En effet, ces assistés pourraient peut-être travailler un peu leur second degré au lieu de ne penser qu’à leur troisième jambe encore valide !

Bref, revenons à ces fameuses places si souvent inoccupées et regardons-les bien en face. Il n’y a aucun doute possible, le symbole est rentré dans les mœurs comme papa dans maman ou le monsieur des toilettes (celui qui se tient tout droit pour vous signifier que vous êtes devant la porte des urinoirs pour mâles imprécis de la goutte). Cet homme assis, les jambes détendues, les bras horizontaux, sur un 2/3 de cercle ressemblant à un C qui regarderait vers le haut, censé représenter une roue. Un logo simple, précis, absolument pas équivoque, normalement… mais avec un œil cherchant la petite bête, on pourrait y voir :
-       Un gamin sautant sur une grosse boule en plastique mou,
-       Un vieux presbyte dans son rocking-chair qui tend les bras pour lire son livre,
-       Une tête de joueur de football américain à l’envers (si si, essayez, c’est saisissant !).


De plus, ne voyez-vous pas l’offense faite à nos rouleurs de peine ? Comment cette roue peut-elle tourner ? Elle semble entièrement solidaire du passager, l’obligeant à faire des looping à chaque tour. Bon d’accord, ça serait marrant à voir, mais quand même, un peu de retenue, il y a des enfants qui risquent de les regarder !!
Venons-en maintenant à l’origine de mon malaise : pourquoi ces handicapés doivent-ils être garés plus près du magasin que les valides ? La réponse de leur défenseur est claire et sans appel : « Ils doivent faire le moins de chemin possible, on doit leur faciliter la vie ». Diantre ! Quelle idée bizarre !! Sous prétexte que monsieur à souffert, qu’il a perdu l’usage d’un membre, ou même de deux, voir de tout le corps, il doit faire moins de chemin que l’ouvrier terrassé  par sa journée de travail et qui aurait bien envie de faire ses courses assez rapidement pour retrouver sa petite famille de sous-développés mais tout de même affectueuse et reconnaissante ? De plus, le caddie n’a-t-il pas été inventé pour permettre de charger des éléments qui ne peuvent se déplacer seuls, trop lourds ou encombrants ? Les enfants y ont leur place, ça les évite de marcher, ces chialeurs incontinents incapable de faire deux cent mètres sans demander à papa de les porter, alors pourquoi ne pas y placer notre déficient des guiboles ? Il serait, j’en suis sûr, ravi de voir le monde de plus haut, bien qu’en cage, et pourrait ranger convenablement le contenu du chariot tout autour de lui !
Les hommes ne naissent-ils pas libre et égaux en droit ? Alors moi aussi, j’ai le droit de mettre ma voiture sur une place pour handicapé, surtout quand le parking est plein ou que je n’ai que peu de choses à acheter rapidement, entre deux moments superficiels de ma vie, et c’est ce que j’ai fait.
Résultat : 135 euros d’amende… alors à tous les poulets handicapés du cerveau qui cherchent à faire du chiffre, vous avez intérêt à marcher sur les passages cloutés, sinon le fauteuil sera pour vous !